Dans le cadre du rapprochement des services dévolus au patrimoine vichyssois, le Blog des Fonds patrimoniaux accueille désormais les publications des Archives.
Le 13 mai dernier, à l’occasion
de la 3
ème édition du Printemps des Cimetières organisée par
l’association Patrimoine Aurhalpin
,
une visite du cimetière de Vichy était proposée par Aurélie Duchézeau,
directrice des Archives de Vichy et Vichy Communauté. Malgré une météo peu
favorable, près de 80 curieux ont arpenté pendant presque 2 heures les allées,
de croix en chapelle et de tombe en monument. Le thème de la journée :
Vichy, Reine des Villes d’Eaux ! A travers quatre portraits, retour sur
une visite singulière qui permet d’évoquer l’histoire de Vichy à travers ses
personnalités et autour de leurs sépultures…
En préambule…
Le cimetière n’a pas toujours été
aux Bartins… il se trouvait précédemment dans le quartier dit « du
Moutier », à peu près à l’emplacement actuel des thermes Callou. Mais au
milieu du XIXème siècle, la ville s’est considérablement développée et il
présente une gêne pour la population et les curistes qui s’émeuvent de sa présence
au beau milieu du quartier des bains. Le préfet ordonne donc son transfert aux
Bartins en février 1866, sur un terrain qui présente de nombreux avantages au
vu des exigences sanitaires de l’époque :
-
il est
au nord, sur une surface horizontale, et dans un plan inférieur à celui de la
colline des Bartins ce qui permet un bon écoulement des eaux de pluies
-
le vent
qui souffle dans la direction de la ville est rare ce qui la protège des « exhalaisons méphitiques » d’un
cimetière.
Le cimetière occupe aujourd’hui
une surface d’environ 13 hectares. Il regroupe quelques 11 000 concessions
réparties dans 34 carrés ainsi que 2 carrés militaires comprenant environ 500
tombes de soldats morts pour la France au cours des différents conflits.
Armand PERRIN (carré
1-23bis) : Quand un instituteur ouvre un hammam à Vichy…
|
phot. C. Carmié |
Né à Fresselines (Creuse) le 4
février 1835. Décédé à Vichy le 24 mai 1893.
Armand Perrin a eu deux vies.
D’abord professeur aux collèges de Montluçon puis de Cusset, il fonde en 1871
la 1
ère école laïque de Vichy, installée alors dans les anciennes
écuries impériales
. Après
sa retraite, en 1881, il achète un ancien théâtre, rue Burnol, pour y installer
un hammam dit « hammam vaporifère ». Pourquoi ? Parce qu’il
s’agissait d’un établissement équipé d’appareils vaporifères - les appareils
vaporifères du Dr Lefèbvre -, des appareils de sudation approuvés par
l’académie de médecine. Il ne s’agissait donc pas d’un établissement de loisir,
tel qu’on le considère aujourd’hui, mais d’un établissement de soins qui se
voulait complémentaire de la cure thermale.
|
Coll. Médiathèque V. Larbaud |
En voici une description par
Antonin MALLAT
:
« Au sous-sol : A. Les bains turcs et les bains russes très
confortablement aménagés(…) ; B. Les douches massages, dites d’Aix,
sulfureuses ou minéralisées (…) ; C. La chambre des machines(…) ; D. Le
magasin à charbon et une cave (…) ;
Au rez-de-chaussée sont installées : A. les appareils pour
inhalation d’oxygène ; B. quatre salles de bains sulfureux dans une
annexe ; C. une salle de douches-massage de 1ère classe ;
D. des déshabilloirs et un chauffe-linge ; E. les bains médicamenteux et
d’eau douce ; F. les bains électriques ; G. une cabine de douche avec
un appareil mécanique pour la réaction ; H. une salle affectée à
l’entéroclyse pour les hommes ; I. deux cabinets de bains d’air chaud en
caisse ; J. un water-closet ; K. une salle de gymnastique
médicale ; L. le bureau de contrôle ; M. le grand salon d’attente
d’environ 100mètres carrés ; N. la pastillerie. Dans le salon d’attente de
forme ovale qui a douze mètres d’élévation, jaillit un jet d’eau entouré de
plantes vivaces ; les murs sont décorés art nouveau et tous les plafonds
sont peints avec goût.
Le 1er étage comprend : A. une installation complète de
bains de vapeur en lit et en caisse ; B. une salle d’inhalation et de
pulvérisation ; C. des douches-massage de 1ère classe pour
femmes, avec leurs déshabilloirs ; D. un petit salon ; E. les douches
ordinaires et les douches-massage de 2ème classe ; F. les bains
d’eau douce et médicamenteux pour femmes ; G. les douches ascendantes
rectales également pour femmes. »
Cet établissement, très bien
situé, quasiment en bordure des parcs, entre les sources et le Casino –
rencontra immédiatement un grand succès et sera agrandi dès 1888. Au sous-sol
du nouveau bâtiment est alors aménagée une grande piscine de natation de 150 m2
alimentée par une chute d’eau se brisant en cascades sur un rocher.
Début 1893, Armand Perrin décide
de développer son activité en achetant des terrains à Hauterive pour y forer
des sources. Le but étant de disposer de quantité suffisante d’eau de source
pour alimenter son établissement de la rue Burnol. Il demande à l’architecte
Antoine Percilly d’y aménager un parc dans le style anglais et d’y construire
plusieurs bâtiments. Malheureusement, il décède subitement le 24 mai 1893 et
c’est sa veuve, Anaïs Roux, qui reprend la direction de ses affaires. En 1894,
elle fait reconnaître officiellement une 1ère source puis plus tard,
une 2ème qu’elle dénomme en hommage, sources du hammam. Elle fait
également élever des bâtiments d’exploitation de style oriental ainsi qu’un
chalet d’habitation. Le parc devient alors un des lieux préférés de promenade
champêtre des buveurs d’eaux de Vichy.
Elle meurt en 1920, le hammam
ferme dans les années suivantes tandis que l’habitation d’Hauterive est rasée
lors de la construction de la ligne de chemin de Fer Vichy-Clermont. Le parc et les sources sont vendus par les
héritiers à la Société Centrale puis
récupérés en 1937 par la Société Commerciale d’eaux minérales du bassin de
Vichy qui stoppe l’exploitation des sources en 1942. Il reste aujourd’hui un
bâtiment orné de quelques faïences dans un pré sur le bord de la route menant à
St Yorre.
La concession au cimetière a été achetée
par Anaïs ROUX qui y a fait édifier un monument sur lequel est gravée l’épitaphe suivante :
« Savant autant que
modeste, il a passé sa vie à faire le bien. Il sut mériter l’estime et
l’affection de tous par sa douceur, sa justice, sa bonté et son dévouement. Sa
mort ne laisse que d’unanimes regrets ».
Il s’agit d’une des plus belles
compositions funéraires du cimetière : le buste d’Armand Perrin la domine
et est entouré par un ange prenant appui sur une encre – symbole d’espérance - et
une pleureuse (figurée sous les traits d’Anaïs ROUX ?) qui essuie ses
larmes dans le revers de sa cape. Le tout est réalisé en marbre de Carrare.
Antoine Percilly avait dessiné plusieurs projets de chapelle funéraire mais
c’est finalement un certain Franzoni (voir sa signature sur le monument) qui
l’a exécuté. On ne sait pas grand-chose sur ce Franzoni : Francesco Antonio
Franzoni est un célèbre sculpteur du XVIIIème siècle, originaire de Carare lui
aussi, peut-être s’agit –il d’une dynastie d’artistes.
Pour en savoir plus :
Famille
GERMOT (carré 3-69) : dans la famille Germot, il y a Maurice, champion
olympique de tennis… mais aussi Pierre, maître d’hôtel…
|
phot. A. Duchézeau |
La chapelle funéraire de la
famille Germot est une des plus belles du cimetière, en raison notamment, du
très beau vitrail blanc et rose portant le monogramme des patriarches : G
pour Pierre Germot et C pour son épouse, Jeanne Chabassière.
Dans cette concession sont
inhumés :
-
Pierre GERMOT, né à Mezel (63) le 24 avril 1817.
Décédé à Vichy, rue du Parc, le 5 octobre 1879. Et s
-
Son épouse, Jeanne Eugénie CHABASSIERE, née à
Aigueperse (63), le 24 juin 1820. Décédée à Vichy, à l’hôtel du Parc, le 10
août 1886.
-
Leur fille, Anna GERMOT, décédée le 20 décembre
1867 à l’âge de 20 ans.
-
Leur fils, Philippe GERMOT, né à
Clermont-Ferrand le 21 janvier 1849. Décédé à Alger le 4 février 1884. Son
épouse, Marguerite PARIS, née à Clermont-Ferrand le 15 mai 1853. Décédée à
Paris le 17 mars 1914.
-
Leurs petits –enfants (enfants de Philippe et
Marguerite) : Robert Pierre GERMOT (1874 – Vichy ; 1933 – Paris) et
son épouse, Marie LANGLOIS VAN OPHEM (1884 – Louvain ; 1950 –
Vichy) ; Jane GERMOT (1877-Clermont Ferrand ; 1959-Paris) ; Paul
GERMOT (vers 1881 ; 1898-Paris) ; Maurice GERMOT (1882-Vichy ;
1958-Vichy).
La famille Germot reste peu
connue à Vichy malgré son nom donné à une rue
.
On se souvient également de Maurice, dit Fifi, l’un des joueurs de tennis
français les plus titrés
.
Cette famille a pourtant présidé
pendant plus de trente ans à la destinée d’un des plus grands hôtels de la
ville, l’hôtel du Parc. C’est elle aussi qui a eu l’idée de génie de faire
venir à Vichy Joseph ALETTI, qui y a révolutionné l’hôtellerie et a ainsi
contribué à faire de Vichy l’une des premières stations thermales au monde.
L’hôtel du parc est le pilier
central de l’histoire hôtelière de Vichy. Le premier que l’on peut qualifier de
grand hôtel ou palace, terme qui provient du latin palatium, palais
c’est-à-dire un hôtel grand comme un palais. Traditionnellement, on considère
qu’il y eut six palaces à Vichy : le Parc (rue du Parc), l’International
(rue du Maréchal Foch), le Majestic (rue Petit), le Thermal (place Aletti), le
Carlton (rue Wilson), le Ruhl ou Radio (boulevard de Russie). Seul le
Thermal-Palace subsiste aujourd’hui sous le nom d’Aletti Palace, les autres
ayant été transformés en appartements. Le Parc est donc l’un des hôtels les
plus prestigieux et aussi le seul connu dans le monde entier en raison de son
histoire pendant la 2nde guerre mondiale puisqu’il abritait les
services du chef de l’Etat et du Gouvernement : le bureau du Maréchal Pétain se trouvant à l’ange des rues
Petit et du Parc au 3ème étage, juste au-dessus de celui de Pierre
Laval, le chef du Gouvernement.
Il a été construit par Joseph
Bousquet en 1863.
|
Archives Municipales Vichy - S/1270 |
C’était à l’origine un immeuble
de 3 étages avec des chambres mansardées. Joseph Bousquet n’était pas du métier
– il était avocat – et confie donc la direction de son établissement à Pierre Germot,
maître d’hôtel
originaire du Puy de Dôme et venu à s’installer à Vichy en 1850. L’hôtel est
resté la propriété de la famille Bousquet jusqu’en 1897 où les héritiers le
vendent à Mme Larbaud Saint-Yorre. La famille Germot continue néanmoins d’en assurer
la gérance mais cela devient de plus en plus difficile pour elle puisque le
fils de Pierre, Philippe, qui avait pris la succession est décédé prématurément
en 1884 et que les autres membres de la famille, qui exerçent d’autres métiers,
résident la plupart du temps à Paris. C’est
donc pour cette raison que Marguerite Germot fait appel en 1901 à Joseph Aletti
qui dirige alors des hôtels à Cannes pendant l’hiver et à Royat pendant l’été. Joseph
Aletti entreprend de moderniser et transformer le Parc en palace. De
gigantesques travaux sont entrepris sous la conduite de l’architecte Antoine
Percilly : l’hôtel est surélevé de deux étages et équipé de tout le
confort moderne. Une tourelle d’angle surmontée d’un dôme est édifiée afin de
lui donner l’allure d’un palace de la Côte d’Azur.
|
Guide de l’étranger à Vichy, 1882 (Médiathèque V. Larbaud) |
Dans l’entre-deux guerres des
travaux d’embellissements sont réalisés par l’architecte René Moreau, qui créé des
magasins au rez-de-chaussée (dont le fameux Vuitton). Un restaurant « le
Grill Chanteclerc »
ouvre ses portes et devient vite incontournable à Vichy. On y dîne en smoking
et robe du soir servis par une myriade d’employés.
|
Hôtel du Parc : carte postale vers 1910
(Médiathèque V. Larbaud) |
Les registres de personnel du
Parc nous donnent la mesure de cet établissement exceptionnel à tout point de
vue. En 1925, on comptabilise 310 employés, restaurant compris. On trouve ainsi
1 voiturier, 4 bagagistes, 5 liftiers
,
13 chasseurs
, 8
valets de chambre, 13 femmes de chambre, etc. Au restaurant, en salle : 1
sommelier, 1 trancheur, 2 barman, 7 maîtres d’hôtel, 25 chefs de rang, 38 commis.
En cuisine, outre le chef : 5 sauciers, 4 rôtisseurs, 5 entremétiers, 4
pâtissiers, 5 plongeurs cuivres, 8 argentiers, etc.
En 1923, Mme Larbaud Saint Yorre vend
son établissement à la Société des Grands Hôtels de Vichy, fondée par Joseph
Aletti
.
La guerre signera l’arrêt de mort du palace. Il est occupé par le Maréchal
Pétain et les services du gouvernement dès le 1
er juillet 1940 puis
est réquisitionné comme hôpital temporaire en 1944 et 1945. Il n’a jamais
rouvert et est vendu en appartements en 1954.
Pour en savoir plus :
Jacques COUSSEAU, Palaces et grands hôtels de Vichy, trois
siècles de vie hôtelière dans la Reine des Villes d’Eaux, Editions de La
Montmarie, 2007.
Catherine LABBAYE, Joseph Aletti, le temps des palaces à Vichy,
Editions des Ecrivains, 2003.
Médiathèque Valery Larbaud, Vichy Hôtels, balade historique au cœur des
palaces, édité par la Mairie de Vichy, 2004.
Joseph-Auguste LUCAS (carré 2-29) : le « créateur
de Vichy »
|
phot. A. Duchézeau |
|
Extr. de A. Mallat. Histoire des eaux minérales de Vichy |
Joseph Auguste LUCAS est né à
Gannat le 25 septembre 1768, de Jean Baptiste Joseph, procureur du roi au
grenier à sel de cette ville, et Hélène Berger. Il fait ses études de médecine à Montpellier
et partit ensuite exercer à Paris. En 1792, alors que la France est en guerre contre
une coalition de monarchies européennes, il est nommé inspecteur général des
hôpitaux de l’armée du nord. Il est chargé alors d’organiser des ambulances
mobiles où les blessés recevaient les premiers soins avant d’être évacués vers
les villes de l’arrière. En 1794, suite à des dénonciations calomnieuses, il
est emprisonné et n’est innocenté qu’après près de cinq années. De retour à
Paris, il reprend ses activités avant d’être nommé en 1801, médecin inspecteur
des eaux minérales de Vichy.
|
Archives Municipales Vichy - 3N/210/5 |
Que signifie cette fonction ?
Elle fait suite à celle d’intendant des eaux minérales existant sous l’Ancien Régime.
Par lettres patentes en 1609, Henri IV
octroie la charge d’intendant des bains et eaux minérales du Bourbonnais, de
l’Auvergne, de la Bourgogne et du Forez. L’intendant est alors chargé de faire
«(…) une exacte recherche des lieux où se
trouvent les sources d’icelles [provinces] atterrées et perdues pour une partie
par la négligences des siècles passés, même pour les nettoyer et rendre plus
salubres » (…) [et faire] fouiller en plusieurs endroits d’icelles, et
si estant trouvé, des marques de leurs édifices et un grand nombre d’antiquités
qui sont journellement profanées et dissipées par des particuliers, et
lesquelles estant conservées et exposées au public pourroient donner la
connoissance à des auteurs et faciliter la pratique des dites eaux, estant
nécessaire d’y pourvoir et rechercher le vray usage d’icelles pour le bien et
utilité publique » (…). Cela
signifie que l’intendant est chargé par le roi de l’administration, de
l’entretien, de la surveillance médicale et de la mise à disposition auprès des
sujets, des sources d’eaux minérales se trouvant sur le territoire dont il
a
la compétence. En 1684, une intendance
est créée spécifiquement pour chaque station thermale du Bourbonnais et donc
Vichy
.
Au lendemain de la Révolution et suite à la condamnation à mort et l’exécution
de Robert Antoine Giraud, le dernier intendant, les eaux de Vichy sont
administrées provisoirement, comme tous les biens nationaux. Ce n’est qu’en
l’an VI
(en 1797) qu’une nouvelle
législation des eaux minérales voit le jour et instaure un système d’inspection
via des officiers de santé qu’on appelle alors les médecins inspecteurs. Cette
fonction perdurera jusqu’en 1889
.
En 1814, Joseph Auguste Lucas est
nommé médecin en titre de son Altesse Royale la duchesse d’Angoulême (fille de
Louis XVI et Marie-Antoinette) qui viendra en cure à Vichy à six reprises. Il
préside aux travaux de construction d’un nouvel établissement thermal dont elle
pose la première pierre en 1821.
|
Archives Municipales Vichy - 3N/210/27 |
Il est anobli en 1815 et fait
baron par Louis XVIII en 1822. Il est nommé membre de l’Académie de médecine
lors de sa création en 1820 et en sera élu président en 1826. Au niveau local,
iI est investi des fonctions de maire de 1822 à 1831.
Son œuvre en tant que
médecin-inspecteur est considérable. On lui doit, outre les constructions de
l’établissement thermal de 1
ère classe
,
l’achat pour le compte de l’Etat de la source Sornin (1802) à qui l’on donne
très vite le nom de Lucas, l’acquisition et la plantation des terrains du parc
des Sources (1806-1812), la construction des bains de l’hôpital en 1817
,
la création de la place Rosalie, la rue du Pont et le passage du Parc
(actuelles place Source de l’Hôpital, av. A. Briand et rue de Banville)
(1815-1819), l’acquisition des sources d’eau douce de Puy-Besseau,
Marie-Thérèse et la Jonchère qui assurèrent pendant plusieurs décennies le
service de l’établissement thermal et l’alimentation en eau potable de la ville
(1821-1826), l’achat de l’ancien couvent et du clos des Capucins sur lesquels
ont été bâtis les établissements de 2ème et 3ème classe
(1830), etc.
Personnalité très appréciée
de ses contemporains, il a été décrit comme
«
le créateur de Vichy » et
« un homme
que regretteront toujours ceux qui l’ont connu [et qui] a ajouté longtemps son
talent et sa bienfaisance aux richesses dont la nature avait doté Vichy ». L’actuelle
rue Lucas porte ce nom depuis 1845 et n’en a jamais changé, ce qui démontre la
popularité à travers les siècles de Joseph Auguste Lucas et la reconnaissance
des Vichyssois à son égard.
Il est mort à Paris le 18 mai
1833 à l’âge de 65 ans. Son épouse était décédée quelques années auparavant, le
16 août 1826 à Vichy. Elle avait souhaitée être inhumée auprès des plus
démunis, dans le cimetière des Sœurs de l’Hôpital
et son époux l’y a rejoint jusqu’en 1861, date de suppression de ce cimetière.
Le couple Lucas fut inhumé aux Bartins en 1868 après avoir reposé pendant
quelques années dans la crypte de la chapelle de l’hôpital
.
Pour en savoir plus :
Antonin MALLAT, Histoire
des eaux minérales de Vichy, Tome 2, 4ème fascicule, Georges
Steinheil Editeur, 1915, p. 877-887.
Jacques JURIETTI
(mural ouest – 35) : « Faites vos jeux, rien ne va plus ! »
|
phot. C. Carmié |
Le tombeau de la famille Jurietti
est une des plus belles compositions funéraires du cimetière. Le buste qui
surmonte le monument est celui de Jacob dit Jacques Jurietti. Il est l’œuvre du
sculpteur milanais Ruga qui a su rendre avec beaucoup de réalisme une pleureuse
grandeur nature. On ne peut qu’être admiratif devant les plis de son voile, la
finesse du mouchoir, les détails du bouquet de rose et la petite croix placée
en travers de son cou…
On suppose que ce monument a été conçu
et commandé du vivant de Jacques Jurietti et de son épouse. En effet, Julie Jurietti étant décédée en 1902 – soit
dix-sept années avant son époux - on imagine mal le mari encore vivant faire
représenter sa femme en veuve éplorée…
Dans ce tombeau sont également
inhumés leurs petits-fils : Paul (1882-1938) et Hubert (1884-1932).
Enfin, une plaque rend hommage à
la mémoire de Yves Colombier, l’arrière-petit-fils de Jacques Jurietti, décédé
dans l’incendie de son char, à Rouessé-Fontaine dans la Sarthe, le 11 août 1944
à l’âge de 20 ans.
Jacob JURIETTI serait né à
Olivione (Tessin – Suisse) en 1832. On sait peu de choses sur son parcours
avant son arrivée à Vichy à la fin des années 1870. Il serait arrivé de Lyon,
où il tenait un restaurant, afin d’investir son argent dans une entreprise de
jeux.
Il fonde alors le Cercle
International qui ouvre à Vichy au cours de l’été 1880. Pour l’abriter, il fait
construire un magnifique bâtiment par l’architecte lyonnais Henri Despierre, à
l’angle des rues Sornin et Wilson, en bordure du parc des Sources (actuelle
Société Générale). C’était avant tout un établissement de jeux (billard mais
aussi jeux d’argent tels que baccara, whist etc.) mais on y trouvait également
un salon des fêtes où des bals étaient donnés chaque semaine, une bibliothèque
et un restaurant.
|
Intérieur du Cercle International : carte postale, vers 1910
(Médiathèque V. Larbaud) |
Le journal « Le Moniteur de
l’Allier » du 10 juillet 1892 nous décrit les lieux
« le salon des fêtes (…) le soir, cette
vaste pièce est véritablement éblouissante quand elle resplendit aux feux de
200 lampes électriques qui l’illuminent et l’embrasent d’une façon
véritablement féérique (…) [la] pièce a un cachet d’élégance que l’on rencontre
rarement , même à Paris ou à Monaco, ces deux villes où le luxe est poussé à sa
dernière limite(…) A droite de l’escalier d’honneur (…) par de larges portes à
2 battants, nous arrivons au salon des jeux. Il est véritablement splendide.
Orné dans toute sa hauteur de boiseries en noyer sculpté, son ornementation,
riche dans son imposante simplicité, est réveillée par de magnifiques paysages
[du peintre] Balouzet. Le tout est dominé par une coupole de 15 mètres de
hauteur, toute ruisselante d’or, qui jette ses fauves et chauds reflets sur les
tables vertes du baccara. (…). Enfin, au 2ème étage, nous trouvons la salle à
manger (…). Tendue de brocatelle vert antique, sur fond crème, [elle] se fait
remarquer par une sobriété d’ornement, amplement compensée par l’abondance et
le choix raffiné des menus qui ont placé la cuisine de la maison dans l’esprit
– et dans l’estomac – des gourmands des 5 parties du monde »
Pour être membre de ce cercle,
très sélect, il fallait être recommandé par deux parrains et s’acquitter d’un
droit d’entrée de 200 frs pour les membres actifs et 100 frs pour les membres
permanents. Seuls étaient
admis dans cette catégorie les Français, habitant, propriétaire, patenté ou
électeur municipal de Vichy depuis au moins deux ans. Pour les autres restait
la possibilité –toujours sous le parrainage de deux membres – d’être admis
temporairement au moyen du paiement d’une cotisation mensuelle de 5 frs. Il
était interdit de tenir des propos grossiers ou parler politique ou religion. L’entrée
du cercle était défendue aux
femmes
,
aux mineurs, aux faillis… et aux chiens !
|
La Maison Ulysse : carte postale,
vers 1914 (Médiathèque V. Larbaud) |
Les jeux
étant alors soumis à autorisation
préfectorale,
seul un petit cercle avait
été permis à Vichy en 1866
.
De 1875 à 1881, la Compagnie fermière, qui cherchait un moyen de financer les
courses hippiques, avait ouvert un « Cercle des Courses » au premier
étage de l’établissement thermal.
Jurietti,
en homme d’affaire avisé, contourna les autorisations administratives
nécessaires en trouvant un accord avec le Cercle de Vichy, qui devint alors
Cercle International, et qui s’installa dans le bel immeuble de la rue Wilson.
Ce fut le début d’une ascension fulgurante. Pendant une dizaine d’années, le
Cercle International fut une des maisons de jeux les plus connues et les plus
prestigieuses de France, capable en 1900 de doter les courses hippiques d’un
grand prix d’un montant de 100 000 frs, ce qui était une première en province.
Mais très vite, ce quasi-monopole
cessa et il fut possible de jouer partout à Vichy : l’Eden-Théâtre (situé entre
les rues Sornin et Lucas) où l’on pouvait jouer au jeu des petits chevaux (une
petite boule qui sautait de case en case sur un simili champ de courses
tournant sur un cylindre actionné par un croupier) ; l’Alcazar (rue Clemenceau),
le Petit Casino (rue du maréchal Foch), le Kursaal ou Jardin de Vichy (rue de
Paris) … établissements de jeux mais aussi de spectacles.
Le Cercle International ferma ses
portes en 1912 et c’est le magasin de nouveautés Ulysse qui s’y installa
.
Pour en savoir plus :
Nicole PERICHON, Vichy
de A à Z, Alan Sutton Editions, 2009, p.70-78
Aurélie Duchézeau