Pour ceux qui n'avaient pas pu y assister en juin dernier, retour sur la conférence de Bérénice Hartwig, bibliothécaire à Besançon. L'occasion d'ouvrir nos pages à des collègues qui conservent aussi des trésors vichyssois et les partagent avec passion...
Pour
l’exposition Cure d’eaux et réjouissances
publiques du 27 avril au 9 juin 2018, les commissaires de l’exposition ont
honoré Alexandre Bertrand, en le choisissant comme affiche. S’il est né à
Besançon, même les bisontins (habitants de Besançon) le connaissent peu.
Les albums de
ce dessinateur ont été déposés à la bibliothèque en 1901 par sa veuve. En 2016,
ils ont été présentés lors des animations « une heure un livre »,
numérisés et valorisés dans un A la loupe, sur le site internet www.memoirevive.besancon.fr
patrimoine numérisé de Besancon. Enfin, avec la coopération d’un
bloggeur Bernard Jacquet, il a été présenté sur les réseaux sociaux.
Alexandre
Bertrand n’évoque pas que sa ville natale aux travers de ses souvenirs. S’il se
dit casanier, cet agent d’assureur est un grand voyageur. A partir de 1868,
Bertrand vient se soigner chaque été à Vichy et dessine ses souvenirs.
Biographie
A. Bertrand par Jules Lunteschutz
A. Bertrand par Jules Lunteschutz |
Alexandre Bertrand
est né à Besançon en 1814, il est le fils ainé d’un négociant, habitant le
quartier Battant. Au lycée, il est l’élève de Charles Antoine Flajoulot,
professeur à l’école des Beaux-Arts et l’ami de Jules Lunteschuntz qui devient
un peintre célèbre à Düsseldorf. Alexandre Bertrand fait imprimer quelques
estampes dans sa jeunesse et participe à une édition en 1860. Son père meurt en
1836, il a vingt-deux ans. En
1843, il projette de publier des charges (caricatures) de bisontins mais elles ne
sont pas éditées. Il devient finalement
agent principal des assurances-vie l'Union à Besançon. (1850-1872)
16 albums de croquis et
de voyages sont conservés à Besançon, contenant environ 1500 dessins. Dans le Midi
de la France (1854), il
écrit « Les contrefacteurs sont prévenus qu’ils seront poursuivis selon
toutes les rigueurs de la loi » et conclut avec ce qu’on devrait apprendre
en voyageant :
« Quand on fait un voyage – que
ce soit pour affaire ou pour son agrément on est ordinairement très exigeant.
On se plaint presque toujours
Du mauvais
temps ou de la chaleur
De la dureté
des voitures et de la grossièreté des conducteurs
Des exigences
des hôteliers
De la
méchanceté des mets et des lits
Il semble qu’on devrait apprendre
à trouver son propre lit bien bon
Pour moi - je n'ai jamais trouvé
la
Comté aussi belle et aussi riche,
Besançon
aussi curieux,
Ma
chambre aussi confortable »
Il égratigne
aussi Salins les bains qui souhaite devenir ville de bain. En 1857, il voyage
à Alger et à Barcelone, puis il part pour une Course sur les bords du Rhin en 1861. Bertrand fréquente des
photographes bisontins et d’intéresse à ce nouvel outil mais il reste fidèle au
dessin.
Dans ses
cahiers de souvenir, il tient une liste des décès connus entre 1864 et 1875.
C’est un assureur, il note tout ! Les sinistres comme les décès. Alexandre
Bertrand perd sa mère en 1862 et épouse une veuve Françoise Julie Martin en
1863. Les témoins sont Nestor Bavoux et Charles Leyritz. Son frère Aimé,
Docteur, se marie en 1866. Voici les deux frères célibataires installés. Julie
Martin est veuve de Nicolas Armand Barthelemy. Les deux époux sont domiciliés
rue des écoles à Besancon. Les parents de Julie possèdent une maison à Canot de
l’autre côté du Doubs. La mère de Julie décède en 1867 et son père en 1871. Le
couple garde de la maison et la réaménage en la décorant avec une statue
d’Hygie. La première partie du deuxième album Vichy concerne la maison de
Canot, chez les parents de Julie. Le couple part à Vichy en 1871, puis de
nouveau en 1873, avec Maria la domestique. Celle-ci prend des douches, en est
indisposée et doit rester au lit. Cette année-là, Alexandre et Julie Bertrand
rencontre des problèmes pour engager une domestique.
Vichy
De retour de
voyage dans le Midi en 1854. Il a 40 ans et commence à prendre du ventre. Bertrand
a 10 ans de plus que dans les portraits précédents et ne cache pas les effets
de la bonne chère et du travail assis. Dès 1864, il a l’objectif de perdre 7
kg. En effet, c’est un gourmand, bon vivant qui se rend à de nombreux diners et
à des banquets d’association. On retrouve dans ses albums de nombreux menus.
Finalement, Alexandre tombe malade au début de l’année 1868 : une crise
hépatique dès le 1e janvier. Son frère Aimé, médecin vient à son chevet.
Deux saisons à Vichy (1868-1869)
Napoléon III
lance la mode des cures à Vichy entre 1861 et 1864. A. Bertrand s’y rend dès
l’été 1868 et il raconte ses bains et promenades à Vichy, il note son poids, sa
correspondance, ses emplettes et les cadeaux achetés pour les amis et son frère
Aimé. En 1869, Aimé et son épouse les accompagnent pour leur cure. Il part à
Vichy le 26 juillet 1868 via Paris en voiture départ à 8h20 du soir- arrivée à
5 h du matin jusqu’au 22 août via Lyon (départ à 8 h 30 le soir de Lyon arrivée
Besancon 5h27) Il a fait 1301 km. Il pèse 81 kg et Julie 54. Bertrand note en
effet tout, son poids, ses dépenses dans la ville, ses rencontres, la météo et
les évenements. En 1869, il se rend à Vichy via Lyon et rentre par Paris. Il
compte 1302 km
Au cours de
ses séjours à Vichy, il fait évidemment le circuit habituel des voyageurs, il
visite la fabrique de pastilles et envoi d’une boite à son frère Aimé. Il
découvre la buanderie, le bain de l’empereur, composé de plusieurs pièces
toutes tapissées en toile de Vichy et la mise en bouteilles de l’eau, les
magasins et la gare d’expédition des eaux minérales ou les engraissements
mécaniques des poulets des princes (600 poulets répartis sur 3 tourniquets fixé
par les pattes).
Le Jeudi 30 juillet, il note que
c’est le 4e jour, son 2e bain et qu’il boit 2 verres. Il est suivi par le Dr
Durand de Lunel. Il y a de nombreux
curistes, les bains sont parfois tous retenus, il les prend alors très tôt à 4
h 45 du matin ou au milieu de l’après-midi. Et Bertrand dessine sa chambre au
n° 16 de l’hôtel Dubessay, la rue de Paris du côté de la gare et du coté de
l’établissement, le marché de Vichy, des silhouettes d’hommes et de femmes. Bertrand
retourne à Vichy, du 15 août au 6 septembre 1871 dans la chambre n°16 de
l’hôtel Dubessay. Il raconte brièvement cette saison d’après-guerre.
L’album Aix-les-bains
|
Puis en 1872, il décide de se
rendre à Aix-les-bains. La sortie de la gare d'Aix est laborieuse avec tous les
représentants des hôtels qui sollicitent les voyageurs. Il remarque tous les
dessinateurs, photographes et peintres en ville et note la présence de
bisontins ou de personnalités célèbres, comme le Duc d'Aumale. Il quitte Aix,
le 23 septembre pour Chambéry, puis Annecy. Alexandre Bertrand note « Nous
n’avons que des vêtements légers, Julie est obligée d’acheter des bottines». Le
séjour se termine à Lyon pour visiter l'exposition. L'album est enrichi de la
brochure "Quinze jours à Aix-les-Bains" par Th. Bruand d'Uzelle
(Besançon : Dodivers, 1860) donné par son auteur et qui a certainement aidé à
organiser ce séjour.
La famille Bertrand retournera ensuite, tous les étés à Vichy.
Alexandre Bertrand n’a pas connu Besançon les bains (1892-1932). En effet, la ville a développé une ville thermale avant la deuxième guerre mondiale. Un dimanche à Besançon les Bains http://memoirevive.besancon.fr/?id=405
Vichy (1871-1877) |
Sociabilité
Ainsi que l’écrit Bernard Jacquet
« il se contenta de dessiner pour ses proches. Le dessin était pour
[Bertrand] ce que l’écriture était pour d’autres, l’occasion de livrer des émotions,
des sentiments, des critiques et simplement une façon de mémoriser ce qu’il
avait vu et ce qu’il vivait. » A Vichy, comme à Besançon, Bertrand croque
ceux qu’il côtoie, de nombreux anonymes, garçons de bains, paysannes, femmes
sur le marché, religieux et religieuses. Mais aussi des hommes nommés : le
pharmacien, les coiffeurs, les chefs baigneurs, le fabricant de faïence…*
M. Jausserand est pharmacien et devient maire de Vichy quelques années plus tard. |
Auguste-Alexis Bintôt (1825-1880)
est médecin militaire, né à Besançon et fils d’un libraire bisontin. C’est un
ami fidèle d’Alexandre Bertrand, mentionné régulièrement dans ses souvenirs. Il
est chevalier puis officier de la légion d’honneur en 1864. Si l’on trouve sa
nécrologie en ligne sur Gallica, nous ne connaissons pas encore son portrait ou
sa caricature.
Grolleau est chef baigneur. Bertrand réalise son portrait le 9 septembre 1874 |
.
Alain Gilbert Cusset-Vichy ; Malleret Baigneur Vichy ; Monsieur Lambert coiffeur chez Gauthier ; Mon petit coiffeur 1874
|
Ernest Meissonnier |
Alexandre Bertrand note une
rencontre en 1874 avec le peintre Henri Baron et croque le peintre Ernest
Meissonnier, artiste peintre, spécialiste de la peinture d'histoire militaire,
en 1876.
Amelin de Dijon, fabricant de faïence à Vichy, 1876 |
Pour en savoir plus :
Sur Mémoirevive Besancon, Charges
et souvenirs d'un amateur éclairé, Alexandre Bertrand (1814-1878) http://memoirevive.besancon.fr/?id=457
Bérénice Hartwig